Boutades

Page créée le 25 mars 2007 à 22h05 par François Direz print pdf

VI - BOUTADES

1

A E. Germain-le-fol

ÉCLAT DE RIRE

Quand il eut par sa foudre annoncé son réveil,
Et quand à l'horizon, comme on voit le soleil
S'élever dans l'azur jeune et vierge de voiles,
Surgit du sein des flots son poème géant,*
Quand le peuple semait sous ses pieds des étoiles
Pour qu'il ne foulât pas notre triste néant
Quand les fleurs, les bravos pleuvaient, - splendide fête!
Lors, Émile Germain fils du Chien Diogenès,
Les haillons à l'épaule et la boue à la tête,
De la foule à grands pas fend les flots étonnés,
Le saisit par la barbe et lui crache : " Homme sombre,
" Dont la lune est l'amante et la bêtise est l'ombre,
" Jusques à quand ton encre et ta noire chanson
" Saliront-elles, dis, le papier, la raison?
" Vis, ténébreux! vis, Jean! vis, Visigoth! vis, diable..!
" Ne glace pas mon aile et t'achète un bâton
" Pour diriger tes pas au bord de l'insondable
" C'est un marais bourbeux, crapaud de l'infini!

Le poète attendit que Germain eût fini,
A son aigle remit sa foudre formidable,
Puis, fixant un grillon qui chantait sur le sol,
Hugo lui répondit en souriant: n Ô fol! "

Novembre 1859

  • Légende des siècles.

2

" Pour combattre le vice, il faut l'indignation
" pour battre le ridicule, il faut le burlesque ..

QUELQUES MOTS A QUELQUES-UNS

Morbleu! - je crois qu'on l'ose insulter! - qu'à son glas
Mille gamins hideux mêlent leurs sots éclats!
Si vous aviez du coeur, je dirais: " L'agonie,
" C'est mal choisir son temps pour railler un génie! "

Tous sur son corps - vieillards, armés de goupillons,
Marmots, de leurs suçons - fondent en bataillons!
Vieux, lisez Bajazet: prenez votre tisane;
Pourquoi lui faire un suaire avec votre soutane?
Clouez donc vos cercueils sans mesurer le sien!
- Mais vous, poétriaux pendus encore au sein,
Qui, fiers de vos vers plats, les portez en rapières,
Vous, soyez hués! -pets qui singez les tonnerres!
Pour déchirer un mort, il faudrait être aiglons
- Ou tout au moins corbeaux - vous n'êtes qu'oisillons!
Que vous a-t-il donc fait pour hurler à ses chausses?

Que t'a-t-il fait, roquet?

Ses étoiles sont fausses! "
Ah! laisse là l'étoile et va lécher tes sauces
Ruy Blas sans sourciller te dit: " Bon appétit! - "
- Tu pisses contre lui, - mais il est de granit.

" Je mords "
Tes dents?
" Je jappe alors!!! "
Jappe, petit.

Novembre 1859

3
A Espinasse

MÉLANCOLIE

Puisqu'Espinas, ô Falstaff, pense
Qu'ils sont un peu trop folichons
Les grelots dont sonne ta panse,
- Voilant nos ris de capuchons
Pleurnichons! Pleurnichons!

Puisqu'une fleur en la rosée
Lui semble de pleurs arrosée,
Non de perles - geais, qui nichez,
Rieurs, sous la feuille rosée

Pleurnichez! Pleurnichez!

Puisqu'il raffole de Racine
Qui fait .... pleurer jusqu'aux bichons*,
- que, l'oeil humide, on déracine
Pour le ceindre dix cornichons!

Pleurnichons! Pleurnichons!

Puisqu'il trouve Horace un peu terne
Lui, dont les pleurs sont du falerne,
Qu'il ne rit chez Scarron, ni chez
Rabelais, merle de taverne,

- Pleurnichez! Pleurnichez!

Puisqu'en l'art et la poésie,
Il voit deux mouchoirs - deux torchons!
Où chacun pleure l'Aspasie
De ses " rêves d'or " godichons,

Pleurnichons! Pleurnichons!

  • * *

Non... - Moi, je te laisse, Héraclite,
Mouiller ton luth hétéroclite,
Aux nuits dédier tes sanglots!
Ma muse n'est pas carmélite,
Et noierait son rire en tes flots!

Aux pleurards pour tenir ta cour
D'un vieux corbillard fais ta niche!
Sois fidèle à feu ton amour
Comme à l'invalide un caniche!

Et pleurniche, pleurniche!

Des psaumes de la pénitence
Avec les tiens fais ta pitance
Que, pour vos larmes, de l'enfer
Le ciel nous donne la quittance!
Nous, avec Puck croisons le fer!

Décembre 1859 .

  • " Voyez couler leurs larmes... " Plaideurs

4

Au même

RÉPONSE A UNE PIÈCE DE VERS OÙ IL PARLAIT DE SES RÊVERIES ENFANTINES

Moi, quand j'étais petit et que j'étais classique,
J'étais, à parler franc, fort peu mélancolique.
Jurant par Théramène et par les douze dieux
J'aimais le sucre d'orge et les vers de Racine.
- Le plus fade des deux? - devine si tu peux.
La poésie en moi prenait si peu racine
Que si, sur ma fenêtre, un moineau chantonnait,
Las! avant de laisser sa voix m'aller à l'âme,
Je m'enquérais quel rang dans les vers il tenait.
Était-il noble ou vil? marquis, ou rustre infâme?
De fleurs?.. je connaissais les fleurs de papier peint
Les fleurs de rhétorique et les fleurs du Parnasse.
L'aigle, qui raille au ciel l'archange qui le craint,
Enflamme tous les yeux: moi, dans ma carapace,
Mon idéal était ces vieux coqs étamés
Qui grincent bêtement sur les clochers ruinés!

Avril 1860

5

A P***

[manquant]

6

L'AFFREUX BONHOMME

[manquant]

7

BILLET DOUX D'UN ÉLÈVE DE SCIENCES

[manquant]

8

L ......

Épigramme

[manquant]

9

A LAVOLLÉE

Rondeau

[manquant]

10 A ARMAND

Rondeau

[début manquant]

Va, tourne-lui le dos et dis-lui " Ton stupide
Art ment. "

Février 1859

11

POISSON D'AVRIL

A Dadé

(Écrit des dames de Nevers à Dadé)

Te souvient-il de ce doux soir
Sans lune?
Tu disais, baisant mon oeil noir
" Ma brune,

" Ton haleine est un doux parfum!
" Je t'aime!
" Sur tes charmes je ferais un
" Poëme!

Je contemplais ton col vermeil
Beau cygne!
Et ta flamme dont le soleil
N'est digne!

Je voyais tes ris gracieux,
Heureuse!
Je songeais aux anges, aux cieux,
Rêveuse!

Ah! son amour est-il d'airain?
Pensais-je.
Et dormirai-je sur son sein
De neige?

Posant tes lèvres sur mon coeur
En flamme,
Inonderas-tu de bonheur
Mon âme?

- Le soir avant de reposer,
Je pleure
Pensant que peut-être un baiser
T'effleure!

Un baiser qui n'est pas de moi
Oh! vite
Assure à mon coeur qu'il est roi!
Médite,

Oh! médite un soir de printemps
Bien sombre!
Un soir qui prête à deux amants
Son ombre!

Pour puiser joyeuse à ton sein
L'ivresse!
Pour qu'encor sur ton coeur ta main
Me presse!

1er avril 1859

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Dernière modification le 28 mars 2007 à 19h12