Le Guignon Versions
Version initiales du poème ''Le Guignon
[version parue dans la revue L'Artiste, 15 mars 1862]
Au-dessus du bétail écœurant des humains,
Bondissaient par instants les sauvages crinières
Des mendiants d’azur damnés dans nos chemins.
Un vent mêlé de cendre effarait leurs bannières
Où passe le divin gonflement de la mer,
Et creusait autour d’eux de sanglantes ornières.
La tête dans l’orage, ils défiaient l’enfer :
Ils voyageaient sans pains, sans bâtons et sans urnes,
Mordant au citron d’or de l’idéal amer.
La plupart ont râlé dans des ravins nocturnes,
S’enivrant du plaisir de voir couler son sang :
La mort est un baiser sur ces fronts taciturnes.
S’ils pantèlent, c’est sous un ange très-puissant,
Qui rougit l’infini des éclairs de son glaive,
L’orgueil fait éclater leur cœur reconnaissant.
Le Guignon [Les Poètes maudits, 1884]Au-dessus du bétail écœurant des humains
Un vent mêlé de cendre effarait leurs bannières
La tête dans l’orage ils défiaient l’Enfer,
La plupart ont râlé dans des ravins nocturnes,
S’ils sont vaincus, c’est par un ange très puissant
Ils tettent la Douleur comme ils tétaient le Rêve
Ceux-là sont consolés étant majestueux.
Des pleurs aussi salés rongent leur pâle joue,
Ils pouvaient faire aussi sonner comme un tambour
Non. Vieux et fréquentant les déserts sans citerne,
S’ils vont, il grimpe en croupe et se fait voyageur,
Grâce à lui, si l’un chante en son buccin bizarre,
Grâce à lui, s’ils s’en vont tenter un sein fané
Et ce squelette nain coiffé d’un feutre à plume
Et si, rossés, ils ont provoqué le pervers,
Malheureux sans l’orgueil d’une austère infortune,
Ils sont l’amusement des racleurs de rebec,
Les poètes savants leur prêchent la vengeance,
« Ils peuvent, sans quêter quelques soupirs gueusés,
« Nous soûlerons d’encens les Forts qui tiennent tête
Quand chacun a sur eux craché tous ses dédains,
Vont ridiculement se pendre au réverbère. |
Le Guignon [version de Poésies, 1887]Au dessus du bétail ahuri des humains
Un noir vent sur leur marche éployé pour bannières
Toujours avec l’espoir de rencontrer la mer,
La plupart râla dans les défilés nocturnes,
Leur défaite, c’est par un ange très puissant
Ils tettent la douleur comme ils tétaient le rêve
Ceux-là sont consolés, sûrs et majestueux ;
Le sel pareil des pleurs ronge leur douce joue,
Ils pouvaient exciter aussi comme un tambour
Non, vils et fréquentant les déserts sans citerne,
Amants, il saute en croupe à trois, le partageur !
Grâce à lui, si l’un souffle à son buccin bizarre,
Grâce à lui, si l’une orne à point un sein fané
Et ce squelette nain, coiffé d’un feutre à plume
Vexés ne vont-ils pas provoquer le pervers,
Désolés sans l’orgueil qui sacre l’infortune,
Ils sont l’amusement des racleurs de rebec,
Les poëtes bons pour l’aumône ou la vengeance,
« Ils peuvent fuir ayant de chaque exploit assez,
« Nous soûlerons d’encens le vainqueur dans la fête :
Quand en face tous leur ont craché les dédains,
Vont ridiculement se pendre au réverbère. |