Tristesse d'Eté

Page créée le 26 mars 2007 à 07h52 par François Direz print pdf

TRISTESSE D’ÉTÉ
Stéphane MALLARMÉ

première parution : 30 juin 1866
Tristesse d’été

Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
En l’or de tes cheveux chauffe un bain langoureux,1
Et, consumant l’encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.

De ce blanc flamboiement l’immuable accalmie
T’a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux,2
« Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l’antique désert et les palmiers heureux ! »

Mais ta3 chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l’âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas.

Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,
Pour voir s’il sait donner au cœur que tu frappas
L’insensibilité de l’azur et des pierres.

 

1 Virgule indiquée par le manuscrit.

2 Idem.

3 Le manuscrit (voir photo) indique bien "ta" chevelure et non "la" comme précisé par l'édition de B.Marchal des Oeuvres Complètes.

<< Le Sonneur | Poèmes de Mallarmé | L'Azur >>

Premier état du poème (1864)

Le soleil, sur la mousse où tu t'es endormie,
A chauffé comme un bain tes cheveux ténébreux,
Et, dans l'air sans oiseaux et sans brise ennemie,
S'évapore ton fard en parfums dangereux.

De ce blanc flamboiement l'immuable accalmie
Me fait haïr la vie et notre amour fiévreux,
Et tout mon être implore un sommeil de momie
Morne comme le sable et les palmiers poudreux !

Ta chevelure, est-elle une rivière tiède
Où noyer sans frissons mon âme qui m'obsède
Et jouir du Néant où l'on ne pense pas ?

Je veux boire le fard qui fond sous tes paupières
Si ce poison promet au coeur que tu frappas
L'insensibilité de l'azur et des pierres !

Version de 1866

Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie,
En l’or de tes cheveux chauffe un bain langoureux,
Et, consumant l’encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.

De ce blanc Flamboiement l’immuable accalmie
T’a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux,
« Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l’antique désert et les palmiers heureux ! »

Mais ta chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l’âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas.

Je goûterai le fard pleuré par tes paupières
Pour voir s’il sait donner au cœur que tu frappas
L’insensibilité de l’azur et des pierres.

Dernière modification le 13 décembre 2008 à 09h46