Ses purs ongles très haut...

Page créée le 22 novembre 2006 à 13h04 par François Direz print pdf

SES PURS ONGLES TRÈS HAUT...
Stéphane MALLARMÉ

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx ,
L’Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore ,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d’inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s’honore).

Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe ,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l’oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.

Sonnet en Yx
Manuscrit du poème par Stéphane Mallarmé
SONNET ALLÉGORIQUE DE LUI-MÊME
Stéphane MALLARMÉ

version de 1868

La Nuit approbatrice allume les onyx
De ses ongles au pur Crime, lampadophore,
Du Soir aboli par le vespéral Phoenix
De qui la cendre n'a de cinéraire amphore

Sur les consoles, en le noir Salon : nul ptyx,
Insolite vaisseau d'inanité sonore,
Car le Maître est allé puiser de l'eau du Styx
Avec tous ses objets dont le Rêve s'honore.

Et selon la croisée au Nord vacante, un or
Néfaste incite pour son beau cadre une rixe
Faite d'un dieu que croit emporter une nixe

En l'obscurcissement de la glace, décor
De l'absence, sinon que sur la glace encor
De scintillations le septuor se fixe.

Notes

  • Cette première version du poème n'a jamais été publiée du vivant de Mallarmé.
J'extrais ce sonnet, auquel j'avais une fois songé cet été, d'une étude projetée sur la Parole : il est inverse et je veux dire que le sens, s'il en a un, (mais je me consolerais du contraire grâce à la dose de poësie qu'il renferme, ce me semble) est évoqué par un mirage interne des mots mêmes. En se laissant aller à le murmurer plusieurs fois on éprouve une sensation assez cabalistique. Stéphane Mallarmé CORRESP. Lettre à Henri Cazalis, 18 juillet 1868.
L'extérieur superbe et hasardeux de ce sonnet impressionne ; on ose s'interroger sur son sens : une sorte de mystère l'habite, qui déconcerta et intimida ses premiers lecteurs. Paul Bénichou Selon Mallarmé.
[1] (...)on entendait Chrysis
Sylvain du Ptyx que l'homme appelle Janicule,
Qui jouait de la flûte au fond du crépuscule
Victor Hugo La Légende des Siècles, Le Satyre, prologue.

Lien externe

  • Alain Lipietz propose une étude sur ce poème, L'Ouvroir de Mallarmé, et vous invite à vous exprimer à propos de son travail sur son blog.

<< Victorieusement fui | Poèmes de Mallarmé | Le Tombeau d'Edgar Poe >>

Dernière modification le 29 décembre 2008 à 16h58